Une production
ADR Productions

En coproduction avec
Cityzen TV

Participation
Brouillon d'un rêve, Région Haute Normandie, l'acse (Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances)

 
 

Diffusé par
Cityzen TV

 

YEMA NE VIENDRA PAS
un film de
Agnès Petit


Sortie :
Première diffusion le vendredi 06 février 2009
Durée : 00h52

C’est l’histoire d’une famille nombreuse de La Madeleine à Evreux, issue de l’immigration.
Ces jeunes français tous adultes aujourd’hui s’appellent Fatiha, Messaouda, Malika, Rachid, Nadir, Hakim, Nahima, Karima et Medhi et… ils ont tous réussi. Cela raconte à la fois une stratégie familiale pour s’en sortir et la difficulté rencontrée pour y parvenir
Yéma, leur mère a réussi aussi. Elle est fière d’eux, mais elle ne partage pas ce qu’est leur vie aujourd’hui. Les enfants ont de plus en plus de mal à respecter les rites d’une communauté à laquelle ils n’appartiennent pas vraiment. Yéma est restée, elle, très ancrée dans sa culture kabyle et musulmane.
Yéma est arrivée en France avec ses deux aînées en 1971 pour venir s’installer à Evreux, à La Madeleine, et n’en a plus bougé. Au départ, cet ancrage dans le quartier, Yéma ne l'a pas choisi. Aujourd’hui c’est là qu’elle a ses amis et sa communauté.
Yema et ses enfants racontent une histoire d’intégration sur plusieurs générations, à travers la diversité de leurs regards.La réalisatrice Agnès Petit souhaite faire un portrait de cette famille, dans ce quartier secoué par les émeutes de novembre 2005, de mêler leurs vies quotidiennes, « républicaines » et culturelles à quelques souvenirs d’ailleurs et quelques espoirs de possible.
 
   
   
   
La famille Mammeri est une famille nombreuse, ils sont neuf, tous adultes aujourd'hui. Et ils ont réussi. Elevés par leur mère algérienne qui parle mal le français et ne sait ni lire, ni écrire. Ils sont devenus ingénieur ou médecin, infirmière et cadre marketing. L’aînée a 43 ans et le plus jeune est âgé de 27 ans.

La famille Mammeri est donc une exception. Il s'agit d'une famille de la Madeleine à Evreux,  « jolie » ZUP qui semble être vivable avec ses immeubles de 5 à 7 étages, ses parkings arborés et ses commerces. Loin des ensembles de la région parisienne de triste réputation et pourtant soumise aux même rituel de l’urbanisme social, du ravalement de façade pastel des années 80 aux démolitions de barres actuelles.

À la surprise des habitants, des élus et des « observateurs extérieurs », la Madeleine est devenu le quartier où les événements les plus violents ont eu lieu en novembre 2005. Soudain mise sous le feu médiatique, la Madeleine a été associée à Clichy-sous-Bois, au Val fourré de Mantes-la-Jolie toute proche, aux 4000, ... Certains habitants tentent de se persuader que ces événements seraient du fait de jeunes venus d’ailleurs et non pas de du fait des jeunes qu’ils croisent chaque jour au supermarché du coin –l’Intermarché qui a pourtant a brûlé lors d’« incidents isolés », il y a quelques années…

C’est ce que pense Yéma, la mère de cette famille nombreuse. Ce devait être des jeunes de Mantes-la-Jolie car ici « c’est tranquille, depuis qu’on y habite et ça fait longtemps, il n’y a pas de problème ».

Son ancrage dans le quartier est fort. Elle y vit encore alors que ses grands enfants sont partis et gagnent suffisamment bien leur vie pour avoir eu le projet de lui acheter une maison là où elle voudrait. Mais elle a préféré rester. Les deux filles aînées travaillent à La Madeleine à quelques blocs de là. Elles ont repris un cabinet médical depuis 10 ans et vont chaque jour déjeuner chez Yéma. « Yéma » veut dire « maman » en arabe. Le plus jeune, qui travaille depuis quelques semaines aux Mureaux, vit encore chez elle et voit ses copains dans le quartier. Enfin son premier fils, Rachid, élu du Parti Socialiste, sillonne le quartier en campagne et passe la voir chaque jour.

À la Madeleine, dans la cuisine de l'appartement HLM de Yéma, ça discute sec et sans langue de bois... juste des pointes de mauvaise foi ! Cette famille est particulièrement vivante, avec des personnalités à la fois marquées et attachantes. Leurs choix de vies contrastés n’ont pas rompu un lien tacite qui les unis autour de valeurs communes fortes. S’ils développent leur identité propre à l’extérieur de la famille et du groupe, ils suivent les mêmes règles de conduite quand ils mettent les pieds dans le quartier. Cette conduite est liée à leur mère. Car cette même réussite que leur mère a faite sienne l’exclurait de la communauté maghrébine si elle était trop voyante. Et pour Yéma, en dehors de la Madeleine, dans le monde de ses enfants, elle n’a pas sa place...

Mais peut-on se sentir intégré dans un pays où son propre parent ne peut pas participer aux moments les plus fondateurs de nos vies. Yéma n’a assisté ni aux soutenances de thèses de ses enfants, ni aux mariages de trois d’entre eux. Encore aujourd’hui, Nahima, la 7e enfant, l’infirmière, a annoncé son mariage à ses amis et à sa fratrie mais n’en parlera à sa mère que quelques jours ou semaines avant le grand jour. Et Yéma ne viendra pas…

Elle est fière pourtant de la réussite de ses enfants. Elle comprend que leur position sociale ait été assurée par le fait de ne pas s’enfermer dans la communauté le quartier, sa condition sociale à elle, qui partait chaque soir après le repas des enfants faire des ménages dans les PME vide de la ZAC toute proche. Elle les a même poussés à ne dépendre de personne et peut s’attribuer le succès d’avoir des enfants « émancipés », bien plantés, n’ayant ni dieu ni maître. Mais elle doit le respect à sa communauté et sans doute aussi quelque chose à Dieu. Il lui a été difficile de se faire respecter dans ce quartier alors que, seule, elle élevait ses enfants. Cette place qu'elle a su préserver reste précaire. Elle ne peut pas exposer trop vivement ce qui la différencie des autres familles immigrées du quartier.

C’est donc avec ses sœurs que Nahima prépare ce mariage. Karima lui a dessiné le faire-part, Malika l’accompagnera pour essayer sa robe qu’elle veut blanche avec des voiles partout. Elle a choisi le traiteur avec Messaouda qui reçoit la noce chez elle, dans la petite ville de Saint-André à 20 kilomètres de La Madeleine, et peut compter sur sa sœur aînée pour l’aider à gérer un mari gaulois avec tout ce que cela implique.

Cette belle réunion familiale aura lieu au mois de septembre. Moment qui rappellera les autres événements de leur histoire familiale. Qui leur donnera envie d’ouvrir à nouveau les albums photos de l’enfance et de revoir les quelques films super 8 que Yéma a tournés. Le voyage en Algérie avec tout le monde dans la Renault break chargée comme une mule. La mule du village berbère menée par le grand-père qui allait chercher l’eau au puits, les rues d’Alger et des fragments d’images de mariage d’une cousine, la cérémonie de la circoncision d’Hakim dans leur appartement de la Madeleine, les enfants qui crient ou rient aux fenêtres, les petits voisins …

Comme le veut l’adage, chacun se souvient des mêmes choses… de façon différente. Selon que l’on est fille ou garçon, sa place dans la fratrie, parent ou enfant, né en Algérie ou en France… Les souvenirs que l’on a d’avant, quand le père était encore présent. Si leurs parcours sont exemplaires, une partie d’eux reste à vif et très marquée par une histoire familiale faites de discriminations que diplômes et cravates ont freiné mais jamais stoppés.


Restons aussi auprès de Yema dans l’appartement vide, où un dimanche, invitée chez ses enfants à un barbecue, face à ses petits enfants intimidés par cette grand mère qui accroche les « r » et qui les traitent de racistes en rigolant quand il ne la comprennent pas ou ne veulent pas venir dans ses bras. Son petit tour sur le marché de la Madeleine, ses invitations aux fêtes de mariage de la communauté. Quand de sa pleine voix rauque elle harangue ses amies en arabe sans avoir peur d’impressionner personne.

Décidément, cette famille drôle et charismatique se raconte avec force. Leurs propos se mettent en miroir, on s’attache à les voir ferrailler avec leurs contradictions dans leur quotidien. Ça raconte quelque chose de notre société, de ses valeurs républicaines et de la place qu’elle laisse à ces générations issues de l’immigration et la place que cette génération va prendre, elle-même.
 
 
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